Toi, je t'aimais, je t'aimais, je t'aimais, je t'aimais. Toi et ta petite musique, ta mélodie, que dis-je ? ta symphonie ! J'aimais ta physionomie souple et sinueuse, tes articulations rondes ou élancées. Surtout j'aimais tes intonations précises, tes folles connotations lorsque tu échappais aux litanies pour épouser tes semblables et former images, métaphores et autres figures audacieuses.
Et puis de toi, j'ai tout aimé. J'ai aimé tes jeux, des calembours aux contrepèteries, tes allitérations évocatrices _ Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?"_ tes assonances si langoureuses - "Les sanglots longs des violons de l'automne"_ J'ai aimé quand tu te faisais tout petit : Oh ! Ah ! Zut ! Chic ! Clac ! Boum ! et même quand tu t'enflais démesurément en anticonstitutionnellement.
J'ai détesté lorsque soudain ils t'ont rendu pauvre, triste, usé. Tu t'es réduit à chose, machin, truc ou encore à avoir, être, faire, dire. Tu t'es désarticulé en diérèses folles et synérèses improbables. Je n'ai pas du tout aimé lorsque tu t'es laissé entrainer en homéotéleutes absurdes : heure, demeure, beurre. Surtout je n'ai pas aimé quand tu as failli perdre à la fois ton sens et ta musique.
Maintenant, quand j'y repense, je me dis que sans toi, moi je ne suis rien. Rien, même pas une suite de signes alignés sur une page, même pas une note dans une mélodie. Rien de rien.
Alors, reviens, même pauvre, triste et usé. Ensemble, on a encore tant de mondes à inventer.
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